vendredi 9 mars 2012

Bro' is in charge #2


La première destination de notre petit périple est Bethlehem (10km au sud de Jérusalem), haut lieu dans la tradition chrétienne, ville où Jésus naquit (pour les musulmans, ce n’est pas exactement à Bethlehem mais juste à côté). Pour vous situer un peu, nous allons nous diriger vers la Cisjordanie, et donc entrer en territoire palestinien.

Mais avant, nous faisons une étape à l’université Al-Quds (nom arabe de Jérusalem). Dans tous les pays, l’université est un point incontournable dans une ville, mais pour cette université on doit justement contourner Jérusalem, car le campus principal de l’Université (il y a quelques bâtiments dans Jérusalem) est séparé de Jérusalem par le « mur de division ».
Le campus est situé dans une ville appelée Abu Dis. C’est une ville qui faisait partie des environs de Jérusalem, comme si vous disiez Paris et La Défense. Maintenant imaginez entre Paris et La Défense un énorme mur, et que vous deviez faire tout le tour pour y aller, parce qu’il n’y a qu’une route entre la partie « Jérusalem » et la partie « Cisjordanie » et qu’elle est contrôlée. Donc on passe sur cette route, sur une sorte de péage, qui dans un sens (l’aller : de Jérusalem à Abu dis) est vide mais qui dans l’autre sens grouille de militaires qui fouillent et stoppent les véhicules vérifiant les identités. Aucune voiture immatriculée « palestinienne » ne peut alors rentrer dans ce qui s’apparente vraiment à une « terre promise ». Donc entourés de tous les autres étudiants, vous vous dites, wow, là on n’a aucun problème à aller à l’université, mais si on veut rentrer chez nous, on doit se faire contrôler et justifier qu’on habite bien là-bas. Et qui sait…on peut même ne pas rentrer chez nous (quand la situation est tendue, le blocus de la Cisjordanie peut être décidé). Honnêtement, ça fait réfléchir quand toi tu hésites à aller en cours parce que tu as vu la veille une saison entière d’une série, alors qu’au même moment ton camarade palestinien va à la fac et doit patienter sans se décourager rentrer chez lui. Il va à la fac le matin alors même qu’il sait que quand il va rentrer il va devoir descendre du bus et attendre que le soldat décide de le laisser passer !


Après le checkpoint on entre dans une des zones de la Cisjordanie, plus exactement, la zone C qui est entièrement contrôlée par l’autorité militaire israélienne. Les routes sont d’un état impeccable et roulent dessus des voitures aux plaques israéliennes et palestiniennes. Ces routes sont en effet empruntées par les colons israéliens vivant en Cisjordanie (dans les zones C) et cette route en particulier qui fait Jérusalem-Abu Dis dessert également Ma ’ale Adumim, la plus grande colonie en Cisjordanie (environ 34300 habitants)

(Image provenant de Google, mais le texte est exactement le même)
.A partir d’un endroit on emprunte une route qui commence avec une pancarte interdisant aux israéliens de donner leur véhicule à l’autorité palestinienne, on entre alors dans une zone A (contrôle entièrement palestinien –administratif et sécuritaire) ou dans une zone B (contrôle administratif palestinien et sécuritaire israélien). Cette route continue  avec une belle pancarte de l’aide gouvernementale américaine, qui littéralement indique que « le peuple américain offre la route au peuple palestinien ».  Quand les Etats-Unis aident au développement d’Israël avec des milliards de dollars chaque année, je n’ai vu aucune pancarte sur les 800km de route parcourues en Israël. Franchement ça a le goût d’une mauvaise blague.


L’université se dresse au sommet d’une colline, c’est une construction assez récente, entourée de jardins, avec un rayon de soleil, l’endroit est charmant et me rappelle que les études dans l’est de la France ne sont pas très gaies !




Après l’heure de cours,  je remercie le jeu de mon iPhone qui me donnait l’air concentré comme si les concepts les plus compliqués de l’arabe classique se déchiffraient devant mes yeux ! Nous avons alors pris le taxi (qui d’un coup est plus abordable qu’en Israël) pour aller à Bethlehem.


Un ami de Bethlehem nous attendait pour nous faire visiter les environs et en particulier la basilique de la nativité.
Cette église est un monument imposant, plus ressemblante à une citadelle qu’à une église que l’on connait ! On franchit une entrée  minuscule d’un peu plus d’un mètre, alors qu’elle faisait plus de 5 mètres de haut à l’origine  (hauteur diminuée par les musulmans car les croisés y entraient avec leur chevaux, ce qui salissait l’endroit…), d’ailleurs notre guide est le direct descendant de la famille qui fut en charge de réduire la hauteur des portes ! Pourquoi cette famille ? Tout simplement parce que les chrétiens à l’époque, pour éviter les tensions entre les différentes factions ont remis la responsabilité  à la famille de notre ami ! A l’intérieur, la première chose qui frappe c’est que l’édifice est divisé en différentes chapelles suivant l’obédience suivie (catholique, orthodoxe, arménien), ce qui contraste avec nos lieux de pèlerinage où quel que soit la mouvance suivie, tout le monde prie dans un seul et même endroit.





L’avantage de notre ami, c’est qu’il connaît l’endroit comme sa poche et en un instant on se retrouve au pied de l’endroit où selon les chrétiens Jésus serait né, alors qu’une file d’attente interminable était en place. L’endroit est controversé, les musulmans (qui croient aussi en Jésus mais ne lui attribuent « rien d’autre » que le statut de prophète) et certains chrétiens natifs de Palestine croient que le lieu de naissance est dans un autre endroit à la périphérie de la ville. 
Les fidèles embrassent l’endroit  et prient, certains versent une larme ! D’autres se retirent au fond de la pièce et se recroqueville, un sentiment de tristesse est omniprésent !


L’histoire de la naissance de Jésus (‘Isa en arabe) est assez similaire dans les différentes traditions monothéistes. Dans le Coran, il est dit que Marie donna naissance sous un palmier, ses dattes étaient à sa portée et lui permit de se nourrir ainsi qu’une source d’eau à ses pieds pour se rafraîchir ! Si je vous dis cette histoire, c’est parce que notre ami nous raconta que récemment des jeunes sont allés à l’endroit  en périphérie de la ville (c’est une grotte fermée aux visiteurs et qui n’ouvre que pour accueillir les grandes personnalités chrétiennes, devant la grotte il y a un palmier et un puits). Ces visiteurs ont alors vu l’endroit et le palmier qui regorgeait d’énormes dattes (venant donc du palmier sous lequel serait né Jésus)  mais dont la consommation est prohibée. Un de ces jeunes, mangea l’une d’elles (apparemment elles sont vraiment énormes) et dans la journée il ressentit des douleurs abdominales qui s’intensifièrent et il fut consulté à l’hôpital de Jérusalem.  Le médecin ne trouvant aucune explication,  ne lui demanda ou il a mangé cette datte. Le jeune lui répondit à la périphérie de Bethlehem, le docteur lui recommanda de retourner le plus vite possible à l’endroit ! Le jeune s’empressa d’y retourner, arrivé un peu tard dans la nuit il retrouve le guide qui l’avait emmené là-bas et souriant dit au jeune homme qu’il l’attendait. Le vieil homme lui donna alors un verre d’eau venant du puits (et donc de la source où Jésus s’abreuva), ce qui immédiatement enleva toute douleur au jeune homme… Bien sûr cela est surement une bonne légende mais montre que quel que soit la croyance, les habitants de Bethlehem sont tous reliés d’une manière ou d’une autre  à l’histoire de Jésus.

Notre visite s’acheva avec un ami de notre guide, Ali, qui nous a rejoint. Il nous a alors emmenés aux piscines de Salomon, ce sont d’immenses réservoirs qui alimentaient Jérusalem en eau douce. L’endroit est clôturé car avant les jeunes venaient se baigner mais beaucoup s’y noyèrent !


 Ali nous invita à prendre le thé chez lui. C’est un ancien garde présidentiel  de Yasser Arafat, sa voiture est équipée d’une sirène de police, qu’il n’hésite pas à utiliser pour gagner un peu de temps.  Sa maison se situe dans un camp de réfugiés, situé sur la route entre Bethlehem et Hébron, il est sous contrôle entièrement israélien (Zone C). Il est originaire d’un village proche de Hébron, mais du côté 1948, il vit désormais sur un flanc de colline où la route d’accès est une route complètement détruite qui monte tout droit, presque pire que les routes de montagnes dans les Alpes.

  Nous nous installons dans son salon où trône une maquette du Dôme de Rocher, intrigués, nous lui demandons d’où elle venait, il nous raconta qu’il fût emprisonné pendant 10 ans et que ce fût son occupation pendant une année entière, que la maquette est faite de perles en plastique, ajoutées une par une patiemment, et que même les inscriptions coraniques du monument étaient présentes ! Je vous assure que vous êtes scotchés sur place, par la minutie que cela requiert, une chose est sûre cela montre la place qu’à Jérusalem dans le cœur des Palestiniens. De plus il nous apprend qu’il n’a jamais vu la mosquée Al-Aqsa, du fait de son statut d’ancien prisonnier, il n’a pas le droit de franchir le mur ! Ça vous fend le cœur, imaginez que vous habitez à 30 min de la mer mais que vous ne l’avez jamais vu (et encore ce n’est pas comparable), vous vous sentez un peu mal aussi d’être aussi privilégié ! Ce sont des rencontres comme ça qui vont font réfléchir sur votre vie, sur sa fragilité, sur notre petit confort ! 



Il est très heureux de nous recevoir, nous raconte sa colère envers la jeunesse qui ne pense qu’au football mais oublie de se battre pour leurs droits. Ou encore de la peur continuelle que la maison qu’il construit pour ses fils soit détruite, qu’il n’a pas le droit de construire un puits ! Pourquoi ? Pour deux raisons nous a-t-on dit ! Pour une raison sécuritaire d’une part, pour empêcher de cacher des armes et/ou des gens et pour une raison religieuse car Israël (le peuple élu) considère que la terre et le ciel lui appartiennent ce qui inclut la pluie qui tombe… C’est donc avec  les idées chamboulées que nous quittons notre ami Ali et nous rentrons à Jérusalem.



Ali nous dépose au checkpoint, c’est un endroit glaçant de par la température, mais surtout par le lieu en lui-même, des tourniquets en métal nous filtrent puis nous enlevons tous nos objets et passons à travers le détecteur de métal. Et pour finir une soldate (pas plus vieille que moi) jouant en même temps sur son portable regarde vite fait nos passeports à travers une vitre blindée… En gros c’est une frontière que l’on passe en se prenant un petit jet d’humiliation dans la figure!


Arrivés à Jérusalem, on décide de faire un tour à Jérusalem ouest, découvrir  le quartier marchand, où s’étalent des fruits exotiques, des olives alléchantes et encore plein d’autres victuailles, c’est assez semblable à Istanbul avec une rue pavée et le tramway qui passe au centre. En rentrant on décide de passer par le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem, directement vous avez l’impression d’aller en Europe de l’Est, quelques dizaines d’années en arrière dans le temps. Tout le monde est de noir vêtu, les hommes comme les femmes et les enfants. D’ailleurs un dresscode est de mise pour passer dans ce quartier, oubliez manches courtes et jeans slim mais passer aux habits amples et pudiques et si vous oubliez, des affiches vous le rappellent !


En rentrant arrêt obligatoire chez un marchand de fallafels, qui avec un peu de houmous nous calent pour  la soirée, on va prier à Al-Aqsa puis dodo! 
Pour mon premier jour, c’était super enrichissant spirituellement, humainement et culturellement ! Je sens déjà que mon regard change sur ce pays… Malgré l’envie d’y réfléchir plus longuement le sommeil m’emporte, l’impression d’avoir cligné des yeux et le réveil vous arrache du cocon… 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire